Carnet 15 [Les carnets malades 3.] La princesse chimique.

 

 

[Les carnets malades 3.]  La princesse chimique.

 

 

 

 

    Je l’ai rencontrée lorsque nous traînions de sommeil dans ces rues décomposées et qu’elle me tendit une impression de chaleur comme un souffle chaud et salvateur. Dès lors, le monde rêvé dans lequel je me perdais sans arrêt passa de la tempête chaotique à un séjour accompagné et rassurant.
M’endormir devint un plaisir.

 

 

    Lorsque ses lèvres commençaient à remuer et que l’air se colorait de sons papillonnant comme des plumes de duvet à travers le soleil, toutes les diverses formes de matière autour se cristallisaient pour donner une image de forêt de diamants traversée d’éclairs de lumière.

 

 

    J’aimais aussi ses multiples bras qui bougeaient comme des essaims de frelons autour d’elle lui donnant une carapace offensive bleu transparent. C’était comme si des boomerangs affûtés s’éjectaient du tourbillon énergique et filaient comme des mammifères marins en reconnaissance, sifflant et émettant une ondulation sonore menaçante pour revenir se bloquer dans chacune de ses mains mouvantes.

 

 

     Nous marchions ensemble des nuits entières au-dessus de ces chutes d’eau terrifiantes grondant plusieurs centaines de mètres plus bas, en surplomb de ces générateurs hydrauliques colossaux sur des passerelles aériennes faites en vieilles ferronneries rouillées et instables, comme si nous arpentions infiniment une immense et grotesque patte d’araignée au-dessus du vide.
J’avais alors bien de la peine à croire qu’elle maîtrisait le jeu comme un maître de cérémonie et que même si une barre portante avait cédé ou que les murs transparents s’étaient soudain effondrés, je n’aurais pas péri noyé et écrasé en plongeant horrifié dans le vide.

 

 

    Mais ce que je préférais, c’était ses yeux métalliques qui émettaient un plan faisceau à l’image d’un radar balayant l’espace comme les phares d’une voiture dans la nuit. Si j’arrivais à croiser son regard une sensation de chaleur montait instantanément de mon ventre et je remontais comme une flèche vers la conscience, tiraillé par l’envie de continuer de rêver sans réminiscences ou me souvenir de cette dérive sans possibilité d’y retourner.

 
 

 

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